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Roméo ne mourra jamais
Roméo ne mourra jamais
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8 juin 2006

2

L'hôtel de Vérone était très sympathique. Les chambres étaient réparties sur deux niveaux autour d'une petite cour intérieure, où s'étalaient des tables et des chaises. au centre de la cour, une piscine en forme de haricot. Madame Vallin donnait les dernières directives.
- Alcool et tabac sont interdits dans les chambres. Tous les soirs, vous êtes libres jusqu'à vingt-deux heures. Gardez votre carte de lycéen, elle vous permettra de sortir et de rentrer à l'hôtel le soir. A vingt-deux heures je ferai moi-même le tour des chambres pour vérifier que tout le monde est là. Plus de bruit à partir de vingt-trois heures, ça pourrait déranger les autres clients. Dernière chose: nous n'avons pas accès à la piscine.
Un murmure de déception circula parmi les élèves. Madama Vallin regarda sa montre.
- Il est dix-sept heures trente. Le dîner sera servi à dix-neuf heures trente. Vous avez quartier libre jusque-là. C'est tout.
Ils ne se le firent pas dire deux fois. Les élèves se dispersèrent en un instant. Solène et Sarah prirent le temps de ranger leurs affaires.

- A ton avis, que peut vouloir dire ce rêve? demanda Solène.

- Je ne sais pas. Mais à chaque fois, un détail supplémentaire apparaît.

Sarah s'immobilisa, un t-shirt dans chaque main.

- Il est de plus en plus précis?

- J'en ai l'impression. La dernière fois, c'était la robe. Une grande robe noire. Je ne l'avais pas remarquée auparavant.

- Donc, reprit Solène, dans quelques temps, il sera devenu très précis et ce sera plus facile de l'interpréter.

Sarah garda le silence.

- Ca ne va pas? demanda Solène.

- C'est juste... Etrange ou pas, ça reste un cauchemar. Je déteste ça. Et quand tu dis qu'il faut attendre, ça me rend dingue!

Après le dîner, Solène et Sarah quittèrent l'hôtel pour aller faire quelques pas dans les rues. Elles papotaient de choses futiles. Elles avaient l'impression d'être en vacances. La rue était encore largement éclairée par les nombreux bars et restaurant. La nuit tombait.

- Hé! Solène!

Manu était installé à la terrasse d'un bar avec quelques amis.

- Tu peux venir une seconde?

- Emmanuel Chave, je vous prie de me ficher la paix, répondit Solène sur un ton faussement maniéré.

- Allez, viens, il y en a pour une minute.

- Vas-y, murmura Sarah. Je t'attends ici.

- Pas question que je te laisse seule.

- Mais si, il n'y a aucun problème, je t'assure. Vas-y, c'est peut-être important.

- Bon. Je reviens tout de suite.

Solène s'approcha de la table, et Sarah resta seule au milieu de la ruelle. Elle prit conscience qu'elle devait avoir l'air totalement godiche, plantée là, et s'écarta d'un pas hésitant vers le bord de la chaussée. Il y faisait plus sombre, elle se sentis moins exposée aux regards. Elle s'appuya contre un mur, serrant son sac dans ses bras. Elle regarda passer les silhouettes des promeneurs. Une vague angoisse s'empara d'elle lorsqu'une de ces silhouettes s'écarta de la chaussée pour s'approcher d'elle. Pitié, qu'il ne vienne pas me parler, pensa-t-elle. Mais le jeune homme s'avança vers elle et lui dit une phrase qui, pour elle, aurait tout aussi bien pu être prononcée en chinois. Elle rougit, honteuse de son ignorance, et répondit.

- Je ne parle pas italien.

- Oh! vous êtes française?

Un immense soulagement s'empara de Sarah. Sur les millions d'italiens qui vivaient dans ce pays, elle avait eu la chance de tomber sur celui-ci qui pouvait la comprendre.

- Vous parlez français! s'écria-t-elle. Oh, pardon, oui, je suis française.

Elle vit un sourire se dessiner sur les lèvres de son interlocuteur, et se sentit soudain très bête. Elle tenta de se rattraper.

- Que m'avez-vous demandé la première fois?

- Je vous ai demandé si vous aviez du feu.

- Oh! Euh... Bien sûr.

Elle ouvrit la poche extérieure de son sac et en tira son briquet. Elle ne fumait pas, mais aimait avoir toujours un briquet sur elle. Ne serait-ce que pour allumer une chandelle. L'italien s'approcha encore pour prendre le briquet.

- Grazie.

De près, elle remarqua qu'il s'agissait d'un jeune homme à peine plus âgé qu'elle. Une vingtaine d'années. Ses longs cheveux noirs étaient noués en catogan. Elle ne put s'empêcher de remarquer qu'il était particulièrement séduisant. Elle observa ses mains, longues et blanches, tandis qu'il allumait la cigarette qu'il avait à la bouche. A la flamme du briquet, elle vit que ses yeux étaient noirs. Il lui rendit le briquet. Elle le rangea immédiatement dans son sac, s'attendant à ce qu'il parte. Lorsqu'elle releva la tête, il était toujours là.

- Que faites-vous de beau à Vérone? Vous êtes en vacances? demanda-t-il.

- En voyage scolaire. Je suis en terminale, s'empressa-t-elle d'ajouter.

- C'est la dernière année du lycée en France, c'est ça?

- C'est ça.

Il sourit.

- Vous semblez plus âgée.

- Merci.

Elle ne savait pas si c'était un compliment, mais elle préférait ne pas savoir.

- Je peux vous poser une question? Vous n'êtes pas obligée de répondre.

- Allez-y, répondit-elle, impressionnée par tant de tact.

Il tira sur sa cigarette avant de reprendre.

- Ces jeunes, là-bas, dit-il en désignant la terrasse du café. J'ai cru comprendre qu'il s'agissait également de lycéens français.

- Oui, ils sont dans ma classe, confirma Sarah, attendant avec anxiété la question.

- Dans ce cas, pourquoi n'êtes-vous pas avec eux? Ils ont l'air de beaucoup s'amuser, pourquoi restez-vous dans l'ombre?

Elle respira profondément. C'était une question qu'elle s'était posé elle aussi, et la réponse était simple: elle n'en avait pas envie. elle ne se sentait rien en commnun avec eux.

- Pardonnez-moi, je n'aurais pas dû poser cette question.

- Ne vous excusez pas. Vous avez raison, je devrais aller m'amuser avec eux. Mais regardez-les.

Manu s'était levé et avait avalé d'un trait un immense verre de bière, ponctué d'un rot particulièrement sonore. Sarah en fut écoeurée.

- Vous voyez? Je les trouve sans intérêt. Ce ne sont pas les personnes que je me plais à fréquenter.

- Ils sont puérils.

Et moi, je fais plus que mon âge, pensa-t-elle. C'était bien ce qu'il avait dit.  Elle aperçut alors Solène, qui se détachait du groupe, la cherchant du regard.

- Il faut que j'y aille. Mon amie m'attend.

- Bien sûr. Merci encore. J'ai été ravie de parler avec vous. Mais laissez-moi vous donner un conseil: ne restez pas dans l'ombre. La lumière vous va beaucoup mieux.

Elle se sentit rougir et glissa vite son sac sur ses épaules.

- Au revoir, dit-elle en s'éloignant.

- Au revoir. Et bon séjour en Italie.

Sarah rejoignis Solène qui piétinais au milieu de la route.

- Ah! Te voilà! s'écria Solène. Où étais-tu passée?

- Je discutais avec quelqu'un.

Solène leva un sourcil interrogateur.

- Qui donc?

- Un Italien. Mais il parlait français. Il m'a demandé du feu, et puis on a discuté un peu.

- Un jeune? demanda Solène. Il était mignon?

- Pas mal, avoua Sarah.

- Comment s'appelle-t-il?

- Je... Je ne lui ai pas demandé.

- Sarah! Bah, tant pis, ce sera ton bel inconnu de la nuit.

- Arrête. Qu'est-ce qu'il te voulait, Manu?

- Me brancher, comme d'habitude. Allez viens, continuons notre balade.

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