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Roméo ne mourra jamais
Roméo ne mourra jamais
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9 janvier 2007

12

Solène ne lui adressait plus la parole. Elle l'évitait. Elle ne remonta pas dans la chambre après le dîner. Très anxieuse, Sarah se prépara à sortir, nerveuse de ne pas avoir son sac pour se donner une contenance, puis, les jambes tremblantes, elle quitta l'hôtel.

De loin, elle aperçut le lieu du rendez-vous, désert. Soulagée. Mais elle espérait qu'il viendrait. Elle s'adossa au mur et attendit.

- Bonsoir.

Elle avait sursauté. Elle ne l'avait pas entendu arriver. Il ne semblait pas en colère. Il ne semblait pas ravi non plus.

- Bonsoir... répondit-elle.

- Ainsi c'est elle!

Une voix féminine, avec un léger accent italien, avait surgi de l'obscurité. Une jeune femme. Elle avait l'air très belle, autant que la pénombre permettait d'en juger. Ses cheveux blonds-roux étaient attachés dans sa nuque. Elle souriait.

Antonio sembla surpris et agacé. Il lui adressa une phrase en italien dont les accents n'avaient rien d'agréable. Elle répondit:

- Parle en français, veux-tu donc exclure notre amie?

Elle se tourna vers Sarah.

- Je l'appelle Lisa, je suis une amie d'Antonio.

Sarah n'eut pas le temps de répondre. Antonio avait saisit le bras de Lisa et l'avait écartée avec une violence dont l'Italienne ne sembla pas se formaliser. Sa voix était dure. Le ton monta rapidement et quoi que Sarah ne comprenne pas un traître mot de ce qu'ils se disaient, elle se sentit vite très mal à l'aise.

- Je ferais mieux de m'en aller, dit-elle, hésitante.

Antonio tourna vers elle un regard qu'elle ne put déchiffrer. Lisa sourit:

- Je ne crois pas que ça dépende de vous.

- Pardon?

- Lisa... murmura Antonio.

- Je crois que c'est moi qui vais m'en aller, répondit-elle. Je tombe au mauvais moment. Antonio, nous nous verrons... plus tard. Ravie d'avoir fait votre connaissance.

Lisa disparut. Sarah reprit vite contenance.

- Qu'a-t-elle voulu dire? Qui est-ce?

Il se tourna lentement vers elle.

- Tu ne crois pas que c'est à moi de poser les questions?

Il lui tendit un objet. Son sac. Elle pâlit.

- Ah... merci.

Elle le passa à son épaule. Il la regardait.

- Tu cherchais quelque chose de particulier?

- Quoi? Pas du tout!

-Alors tu voulais juste visiter.

-Je suis désolée, je te cherchais, la porte était ouverte...

- Donc tu es entrée et tu as fait comme chez toi.

- Non, dit-elle en cherchant desepérément quoi dire pour se justifier. Je me suis dit que si tu étais dans la cave, tu ne pouvais pas m'entendre sonner.

- Et tu ne t'es pas demandé si je voulais être dérangé?

- Excuse-moi, je ne voulais pas te mettre en colère.

Sarah tremblait de tous ses membres.

- J'espérais que ces dessins resteraient secrets.

Il semblait moins en colère.

- Pourquoi me dessines-tu?

- Parce que tu es belle.

Sarah ne s'attendait pas à cette réponse.

- Pourquoi ne me l'as-tu pas dit?

- Je n'en voyais pas l'intérêt. Tu ne l'aurais jamais su.

- Mais que vas-tu faire de ce tableau?

- Rien. Le garder. Que veux-tu que j'en fasse? J'aurai quelque chose de beau chez moi et voilà tout.

Sarah baissa la tête. Quelque chose sonnait faux.

- Pardonne-moi, murmura-t-elle.

-Il est presque terminé maintenant. Tu veux le voir?

Il souriait maintenant.

-D'accord.

Antonio lui prit la main. Elle ne voulait plus savoir si ce qu'elle faisait était bien ou mal.

En entrant dans l'appartement, Sarah remarqua immédiatement que la porte de la cave était grande ouverte, ce qui lui ôtait tout mystère. Toutes les chandelles de l'escalier était allumées.

- Cette pièce est la plus ancienne de la maison, expliqua Antonio. Une sorte de pièce secrète, probablement.

Il la conduisit jusqu'au tableau. C'était bien elle, et en même temps ce n'était pas elle. Elle était peinte en vénitienne. Son tent semblait trop pâle. Son regard était lointain.

- C'est manifique.

- Quel artiste! lança une voix derrière eux.

Antonio eut l'air exaspéré.

- Encore toi?

- Tu n'as pas l'air content de me voir, dit Lisa.

- Je devrais? Je ne t'ai pas autorisé à entrer, il me semble.

- D'après ce que je sais, on entre chez toi comme dans un moulin.

Sarah se fit toute petite. Elle avait l'impression qu'ils allaient s'entretuer. Le sourire de Lisa disparut.

- Je me demande ce que tu lui trouves.

- Ca ne te regarde pas.

- Oh que si, ça me regarde. Cette fille n'est pas claire.

- Comment? s'écria Sarah.

- Je vais t'en débarrasser et tu me remercieras, reprit Lisa avec désinvolture.

Elle fit un pas vers Sarah. Mais Antonio réagit à une vitesse incroyable. Il saisit le bras de Sarah et la tira vers lui. Il lui serrait le poignet, trop fort. Elle gémit. Elle crut entendre dans sa tête la voix de Solène prononcer les mots de "dangereux psychopathe".

- Elle est à moi, articula Antonio.

- C'est donc ça que tu veux? ironisa Lisa. Te réserver de jolies innocentes comme un héros de roman gothique à la manque? Ca devient pathétique.

- Au moins, j'ai du goût, rétorqua-t-il. C'est pour cela que tu n'aurais pas dû entrer chez moi.

Avec un grognement, Lisa s'élança vers eux mais Antonio la repoussa de son bras libre. Elle vacilla. Sarah osait à peine respirer.

- Elle est à moi, tu as entendu?

Et pour appuyer ses paroles, il planta ses dents dans la gorge de Sarah, sous les éclats de rire de Lisa.

Sarah poussa un cri en sentant les canines s'enfoncer dans sa chair. Un vampire. Ils existaient donc! Quelle idiote! Elle s'était fait manipuler et mordre par un vampire. Elle ne l'avait même pas démasqué, elle qui prétendait être une magicienne. C'était trop tard. Elle sentait qu'Antonio aspirai son sang à toute vitesse, elle le sentait fuir de ses veines. Bientôt, elle allait perdre ses forces.

Quelque chose d'inattendu se passa alors. Antonio cessa de boire. Il tenta brièvement de reprendre, mais il semblait ne plus y arriver. Il s'écarta brusquement d'elle, essouflé. Elle se débattit et il finit par la lâcher.

- Qu'y a-t-il? demanda Lisa.

Antonio s'essuya la bouche sur sa manche sans répondre. Il regarda Sarah du coin de l'oeil. Elle n'osait pas bouger, ni même porter une main à son cou qui saignait toujours.

- C'est une sorcière, murmura Antonio.

Lisa perdit patience.

- C'est une légende! Tu peux saigner une sorcière à blanc comme les autres humains, ça ne change rien!

- Je ne l'aurais pas cru sans le voir, reprit Antonio.

- Elle peut nous détruire! s'écria Lisa.

Elle se précipita vers Sarah. Celle-ci ferma les yeux, rassembla toutes ses forces et se concentra aussi fort qu'elle le put. Elle sentit l'énergie affluer dans son corps sans savoir si c'était celle de sa magie ou du desespoir. Elle pria de toutes ses forces pour l'élancer devant elle par tous les pores de sa peau.
Lisa s'arrêta en plein élan. Elle semblait face à un mur invisible.

- Je suis trop faible.

Elle disparut dans l'escalier.

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